La vie autrefois...

DES VASSELOIS A PARIS

En dépit des rumeurs, Paris n’est pas peuplé que d’Auvergnats. Quelques rares Vasselois se sont lancés dans l’aventure, au XXe siècle. Monsieur Guérin était ouvrier boulanger. Ses parents étaient fort connus à Vassel. Le père était Maréchal ferrant et, comme, autour des années 1900, les chevaux n’étaient pas très nombreux en Limagne, il n’était pas très riche. Les paysans n’avaient que des vaches, qu’ils attelaient. Monsieur Guérin avait quatre enfants, trois fils et une fille nommée Augustine. Deux fils sont morts à la guerre de 14. Le père ne s’en est jamais remis et sa femme, pour gagner ce qui lui restait de vie, gardait des enfants en nourrice, en élevant les deux siens. Le dernier enfant du couple est devenu boulanger à Créteil.

Monsieur Douveghant que j’ai connu, était caissier à l’hôtel du Louvre, palace dont l’entrée principale fait face à l’opéra Garnier. Il travaillait la nuit, de 18h, le soir, jusqu’au petit matin où il fermait le coffre. Travail bien périlleux ! Il avait effectué un séjour en Angleterre pour apprendre l’anglais car la clientèle était surtout anglo-saxonne et il connaissait bien les dollars… Sa sœur Marie était femme de ménage, lingère et concierge dans une maison bourgeoise située en face du champ de courses de Longchamp. Elle habitait dans un minuscule pavillon de deux pièces à l’entrée du parc.

Monsieur Ribeyrolle était né à Ardes sur Couze et avait acheté une maison à Vassel pour sa retraite. Sa vie active s’était déroulée à Paris où il était bougnat (charbon, café) et brocanteur. D’un premier mariage, il avait un fils, Noël qui n’avait jamais connu sa mère, morte très jeune. Noël avait été élevé par sa grand-mère maternelle à Ardes et il avait suivi son père, remarié, à Paris. Monsieur Ribeyrolle retiré à Vassel avec son fils et sa deuxième femme avait ouvert un café épicerie sur la place, en face de la fontaine.

Tata Lucie (Lucie Roche), la nièce de mon grand-père, était mariée à un cheminot de Chignat, employé du PLM. Celui-ci mourut très jeune la laissant avec ses deux filles Marie et Marcelle. La compagnie offrit à la veuve une place bien rémunérée, gare de Lyon mais pas de logement. Les voyages étant gratuits, elle venait toutes les semaines voir ses filles en pension provisoire chez Mme Verdier. Puis ses filles la rejoignirent. Elle est décédée à Vassel, très vieille et très alerte, soignée par Renée, sa petite fille, et son mari.

Dans la deuxième partie du siècle d’autres Vasselois sont partis à Paris mais le chemin de l’aventure était déjà balisé.

LES METIERS QUE L'ON RENCONTRE A VASSEL AU XIXème siècle

Données collectées dans les archives municipales.Texte issu du bulletin municipal de 2008.

Au XIXème siècle, l'essentiel de la population se consacre à l'agriculture et à l'élevage. 

On dénombre; dans ce siècle, 362 habitants en 1826 et 237 en 1896. Cet écran s'explique par des changements importants dans le monde rural en fin de siècle : crise du phylloxera, attraction de la ville ou de l'industrie qui recherche de la main d'oeuvre, arrivée du progrès et de la mécanisation.

On trouve un mécanicien installé dans le village, mais le forgeron est encore un personage incontourbable. Le niveau de vie est bas, les gens économisent sur tout et ils réalisent  eux-même les travaux d'entretien de leurs bâtiments. Si besoin est, ils peuvent toujours faire appel aux artisans des villages voisins. Les habitants s'approvisionnent et vendent leur production sur les foires ou les marchés alentours, très fréquentés. Accesoirement, les colporteurs fournissent quelques objets. 

Avec le lait des vaches, on réalise le GAPERON, une spécialité vaselloise méconnue. Dans certaines fermes on file et on tisse pour les besoins familiaux, ce qui n'empêche pas l'existence de huit tisserands prfessionnels qui travaillent avec le fil de chanvre, produit et conditionné sur place. 

L'arrivée du chemin de fer engendre des emplois inconnus : 4 cheminots sont ainsi recrutés. Ce nouveau moyen de transport moderne et efficace permet l'exportation des récoltes jusque dans les grandes villes. 

 

 

VASSEL DANS LES ANNEES 1920

Autour des années 1920, à Vassel, toutes les femmes s’appelaient Marie ou Maria. Toutes étaient fermières. Toutes étaient vêtues de noir, avec de longs tabliers sur deux ou trois épaisseurs de jupons et de culottes longues, fendues par le milieu. Toutes portaient des chapeaux de paille, l’été et des bonnets de laine l’hiver. Les rues du village n’étaient pas goudronnées et fallait avoir de bons sabots pour marcher dans la boue, fréquente et très gluante.

Chaque famille élevait du bétail et avait une basse-cour, des poules, des oies et aussi des canards. Ces derniers aimaient bien barboter dans la mare, à la Coharde, là où maintenant on a construit des maisons, après de puissants remblaiements.

Le matin, les canards de Marie Bernard (la Marie Patan) descendaient la rue principale du village en se dandinant, croisaient les canards de la Marie Pinay et ceux de la Marie Ducros. Le soir, elles revenaient au logis en empruntant immanquablement le chemin le plus court, la petite rue qui longeait le vieux cimetière, aujourd’hui disparu. Comme celle-ci était doublement coudée, on pouvait se trouver inopinément au milieu du troupeau effarouché des volailles. Les canards de Vassel formaient une confrérie ambulante et cancanière. Les cannes faisaient leurs œufs un peu partout, ce qui réjouissait les enfants avides de les ramasser.

Un jour, dans les années 1934-1935, le ruisseau de Bouzel (le Jauron), déborda et les eaux envahirent pour plusieurs jours tout le bas du village. Les canards disparurent dans la rivière… Les Marie eurent beau les appeler, les chercher…elles revinrent crottées, désespérées et bredouilles auprès de leurs maris inquiets et immobiles, qui les attendaient. Les canards de Vassel avaient emprunté le cours du ruisseau qui conduit à l’Allier, lequel se jette dans la Loire.

Cette année-là, pour les vendanges et à Noël, on se contenta de rêver à la chair bien grasse des canards.

 

LA FÊTE PATRONALE DE LA DAME D'AOÛT

Pour la fête patronale de la Dame d'Aout, dans la joie des moissons finies et l'ail récolté, on confectionnait des "pompes" qu'on cuisait dans le four communal. La Maria Verdier (personne d'autre ne l'a jamais fait), était chargée de chauffer le four avec des fagots de sarments que chaque famille lui apportait. Et on cuisait d'immenses tartres sur des planches qui servaient aussi à faire refroidir le boudin quand on tuait le cochon. C'étaient des "pompes" qui ressortaient bien dorées et qui avaient une surface qu'on a jamais vue chez aucun pâtissier.

Et le lendemain avait lieu la messe, suivie de la procession des conscrits et des musiciens qui faisaient les aubades dans chaque maison. On mangeait ensuite un bon repas de fêtes, puis on dansait "dans le four" et sur la place du village avec un accordéoniste qui allait de village en village. 

 

 

LA GRANDE LESSIVE

Tout cela a bien disparu, comme ont disparu les grandes lessives d'autrefois. On lavait les draps une fois par an. Chaque famille "coulait" la lessive chez soi dans de grands cuveaux de bois, l'eau bouillante passée sur de la cendre de bois rassemblée dans un sac ou était répendue sur un drap qui recouvrait les autres.

Quand la lessive était finie de "couler" (18 fois en tout : 6 fois tiède, 6 fois chaude, 6 fois bouillante), on "liait" les vaches, on les attelait à la "barcelle" et on chargeait tous ses draps pour aller les rincer à la fontaine des Dames où coulait, gros comme le bras, une eau claire et glaciale même en été. On tendait ensuite des cordes d'un saule à l'autre et les draps séchaient au grand air. On les pliait à deux, bien blancs, et ça sentait bon pour toute l'année...

 

 

L'ECOLE VUE PAR UNE ANCIENNE ELEVE

extrait du bulletin de 2012, témoignage

L’école était pour moi la grande affaire. Il n’y avait qu’une classe unique et je suivais avec bonheur les cours à tous les niveaux, du CP jusqu’au certificat d’étude. La maîtresse était très sévère mais compétente. Elle sentait bon et elle était tout auréolée de culture. Elle commençait la journée par une leçon de morale, puis venait la lecture suivie d’une dictée et la matinée se terminait par le calcul. J’excellais à l’époque en calcul mental présenté en forme de jeu. A l’école, il y avait une grande bibliothèque et de temps en temps des activités récréatives. J’étais heureuse, j’avais beaucoup de copains souvent plus âgées que moi et après l’école, nous nous retrouvions pour jouer dans les greniers ou les granges.

Le village avait encore un communal (héritage de la révolution) et nous gardions nos troupeaux en échangeant nos goûters. Daniel, un de mes copains, buvait le lait de ses chèvres à même le pi. Nous ignorions les codes sociaux, vestimentaires, l’hygiène et la pudeur ou parfois ça se télescopait un peu, la vie et les bienséances. Ainsi quand la maîtresse, un jour dans la campagne se trouva face à l’un d’entre nous qui posait culotte, quelle ne fut sa surprise de voir que son élève respectait bien les règles de politesse en soulevant d’une main sa casquette pendant que l’autre se torchait le derrière.

La maîtresse occupait une position privilégiée dans le village. Elle restait à distance. On la craignait, même si l’on n’était pas son élève et lorsque l’on tuait le cochon (ce qui était le cas plusieurs fois l’hiver, dans chaque ferme) on lui réservait un morceau de la bête et du boudin. Je me suis demandée des années après comment un instituteur de village pouvait consommer autant de porc ! Il faisait chaud à l’école.

Chacun à notre tour, nous devions entretenir le poêle, le nourrir de petit bois le matin, ajouter du charbon en boulets le jour et le soir verser une crêpe de poussière d’anthracite mélangé à de l’eau pour garder le feu au ralenti toute la nuit. Nos activités ménagères ne s’arrêtaient pas là. Nous fabriquions aussi l’encre en délayant une poudre violette avec de l’eau. Ces jours là, nous revenions tout maculés de taches violettes mais heureux d’avoir rempli nos encriers.

A la fin de l’année, c’était le grand ménage : on récurait les tables, on lavait tous les objets d’usage, on rangeait les anciens cahiers dans le grand placard. Je ne me souviens pas d’avoir eu d’autres fêtes. Ni Noël, ni anniversaires et le 14 Juillet tombait pendant les vacances !

Nous remercions la personne qui nous a fait partager cet instant de la vie d’antan à l’école et nous incitons d’autres habitants de Vassel à nous apporter leur témoignage concernant la vie rurale du village soit par le texte, soit par les photos. L’anonymat sera respecté, selon le souhait de chacun.

LE TAMBOUR DE VILLE (OU DE VILLAGE)

extrait du bulletin municipal de 2015, témoignage

Cette tradition de "passer le tambour" existait à Vassel depuis fort longtemps. Pour ma part, née dans les années 60, je n'ai connu que Odette Plasse, une maîtresse femme, très énergique, dotée d'une voix de stentor, qui débutait le tour du village par le "quartier bas". Avec elle, ça ne rigolait pas : tout le village devait écouter, c'était une forme de respect.

"Plan, plan, rantanplan !""...

En fait, ses annonces étaient très sérieuses ; par exemple elle lisait à voix haute le plus distinctement possible : "Avis de Monsieur le Maire : la population est invitée à assister à la Cérémonie commémorative de la Victoire de 1945 le 8 mai à 11 heures. Rassemblement sur la place du village avec dépôt de gerbes au Monument aux Morts en présence du Corps des Sapeurs Pompiers et des élèves de l'école. Un vin d'honneur clôturera la manifestation à la salle du four." et Plan, plan, rantanplan... elle et sa petite troupe s'éloignaient en remontant la rue (actuellement Rue du Pironin) sous les aboiements furieux de tous les chiens du coin qui détestaient le son du tambour. Le tour du village se poursuivait, avec plusieurs arrêts informatifs... et quelques enfants supplémentaires qui suivaient le tambour en chahutant et en riant joyeusement. Moi-même je les entendais venir de loin, j'accourrais au portail tout en appelant mon père : "C'est le tambour, c'est le tambour !!!". Nous écoutions quasi religieusement les avis d'informations de Monsieur le Maire, mais le raffut ambiant nous empêchait parfois de tout comprendre. Trop tard, le tambour était déjà loin...

Quels souvenirs ! Maintenant c'est moins rigolo, il y a les panneaux d'affichage... 

 

DES HISTOIRES DE NEIGE

Par Aline TRONCHET, ce récit a été publié dans un recueil édité par l’UDAF en juin 1993 ( l’UDAF avait sollicité les Anciens de nos Communes pour raconter leurs souvenirs de jeunesse, des anecdotes drôles ou émouvantes, des tranches de vie).

Pendant le mois de janvier 1929, où le froid avait fait éclater les noyers, un dimanche, mon père venant de VERTAIZON avait eu un malaise, comme cela lui arrivait à cause de son ulcère à l’estomac. Il n’y avait pas de communications à cette époque ; seulement le train qu’on appelait « Le Billantou », et deux autos – celle du Docteur BORROT et celle du Vétérinaire -. Je ne sais pas comment le Docteur BORROT a été prévenu, mais il est venu et m’a proposé de m’emmener à BILLOM afin de prendre chez le pharmacien les remèdes pour mon père et pour Monsieur FEUILLADE, notre voisin. Je m’en vais donc dans la voiture bâchée du Docteur BORROT et après mes emplettes, je me rends à la gare et je me réchauffe un moment. Je prends le train jusqu’à VASSEL. La maisonnette (la gare de VASSEL) m’apparaît comme une image de Noël. Le plus dur restait à faire, et de la gare au village, le chemin m’a paru bien long. La nuit était venue. La couche de neige d’au moins 50 cm avait tout englouti, les champs, les fossés, la route. Il faisait un clair de lune comme le grand soleil, et le froid à fendre les arbres, comme on n’en a jamais eu depuis. J’avais déjà grelotté dans le train, et seule devant la maisonnette, je me suis sentie perdue. Mais, Bébert du château était venu m’attendre et m’avait apporté des bottes en caoutchouc que mon père avait ramené de la Guerre de 14-18. Je les ai chaussées, et j’ai suivi Bébert le long de l’unique petite trace que DELARBOULAS, le garde-champêtre, avait déblayée à la pelle.

Mes bottes frottaient contre la neige durcie qui crissait à chaque pas et le froid montait le long de mes jambes et me brûlait. Jamais ce chemin ne m’a paru aussi long. Seule, je ne m’en serais pas sortie, je me voyais mourir dans la neige à quelques pas du village. On n’a pas idée de ce froid !

Tout gelait, l’eau dans les seaux des vaches, la bouse au seuil des étables…et ça a duré quinze jours.

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Histoire racontée par Edmée GRELICHE

Un soir de janvier, avant 1925 puisqu'il n'y avait pas encore d'électricité, nous nous sommes réunis entre voisins pour casser les noix autour d'une lampe à acétylène. Passé minuit, on a mangé et puis les voisins se sont préparés à partir. Quand on a ouvert la porte, on a découvert la neige tombée doucement pendant toute la veillée, une épaisse couche semblait éclairer la nuit. Dans cette demi-lumière, non loin de la bascule, on a vu quelque chose, comme deux "champignons" qui marchaient. C'étaient un homme et une femme qui avaient pris le train pour rentrer chez eux, mais qui, à Seychalles, avaient entendus le chef de gare crier : 

- Seychalles, tout le monde descend ! 

Ils étaient descendus, avaient quitté et la gare et ouvert leurs parapluies car il neigeait à gros flocons. Ils avaient marché pendant des heures, droit devant eux et disaient en patois : 

- Nous sommes perdus, complétement perdu ! (S'en perdious, s'n perdious !". J'étais petite... Je ne sais pas ce qu'ils sont devenus.